4 février 2002
Il existe d'importantes différences de modalités de lecture entre un document imprimé et une page Web

Le concepteur d'une page Web devra donc avoir à l'esprit celles-ci lors de la construction de sa page afin qu'elle puisse avoir l'efficacité requise.

Les différents éléments entrant en compte dans le comportement de lecture d'une page Web par un internaute ont été dernièrement mis en valeur par Monsieur Guy Barrier, chercheur au CNRS, dans le cadre de ses travaux intitulés "Parcours exploratoires de pages Web et modalités attentionnelles, une application du système oculométrique eye-tracking".

Monsieur Barrier y résume ainsi les interactions qui sont susceptibles de s'instaurer entre les différentes zones de l'espace sur une page Web :

- Degré d'ouverture versus clôture d'une région.
- Homogénéité versus contraste chromatique.
- Homogénéité versus contraste d'intensité.
- Régularités versus disparités de texture.
- Netteté des frontières versus labilité, dissolution ou discontinuité.
- Proximité versus contiguïté des blocs visuels.

Ces interactions sont bien entendu autant d'éléments pouvant permettre à un internaute de reconstruire les circuits visuels de lecture qui avaient été pourtant prédéfinis dans une page Web par son concepteur.

Reprenons ensemble certaines de ces interactions.

Degré d'ouverture versus clôture d'une région

Si la zone de la page parcourue par l'oeil de l'internaute est relativement ouverte, à savoir ne comporte pas de "barrières visuelles" aptes à canaliser le circuit de l'oeil, le regard pourra alors être facilement attiré par tous éléments saillants se trouvant dans d'autres parties de la page.

Ce ou ces éléments saillants pourront être représentés par du texte (gras, souligné, de couleurs et/ou taille différente du reste du texte de la page), un ou plusieurs éléments graphiques animés ou non ou encore une photographie en particulier lorsque celle-ci est à même d'attirer particulièrement l'oeil comme peut le faire un visage souriant par exemple.

A contrario, le concepteur de la page pourra utiliser des barrières visuelles pour contraindre le regard du lecteur à ne pas s'échapper d'une zone précise de la page.

Ces barrières seront le plus souvent constituées de lignes verticales et/ou horizontales particulièrement marquées.

Homogénéité versus contraste chromatique

Ici réside une autre technique apte à attirer l'oeil de l'internaute vers telle ou telle partie de la page.

Cette technique agit de façon assez semblable à la précédente. En effet, la lecture à l'écran est plus difficile que la lecture sur papier. L'oeil de l'internaute aura donc tendance à choisir prioritairement les zones de lecture les plus "cohérentes".

Cette page est un bon exemple de l'utilisation du contraste chromatique puisque les deux zones latérales grisées contraignent l'oeil à lire la partie centrale sur fond blanc.

Homogénéité versus contraste d'intensité

Ici, les techniques utilisées seront donc plutôt basées sur le contraste d'intensité existant entre les zones afin d'attirer l'oeil sur telle ou telle partie de la page.

L'interaction œil/souris

Les préalables à la construction d'une page Web ne se limitent d'ailleurs pas à la seule partie "visuelle" de celle-ci.

En effet, l'interaction œil/souris est également très importante.

Monsieur Barrier, dont les travaux ont également porté sur ce point, a mis en évidence certaines des relations pouvant exister entre les mouvements de la main (souris) et les déplacements de l'œil de l'internaute.

Parmi les différents cas possibles relevés par ses travaux, deux d'entre eux sont assez représentatifs de l'attitude possible des internautes face à une homepage :

1 ) Curseur de la souris stable (ou peu mobile) + poursuite oculaire régulière et lente :

Ce cas, assez fréquent lors de la lecture d'une homepage, est représentatif d'une attention contrôlée et focalisée.

2 ) Curseur très mobile + déplacements oculaires rapides et aléatoires :

Ceci est l'indice d'une attention diffuse souvent représentative d'un balayage omnidirectionnel de l'espace : l'internaute tergiverse, cherche à quitter la page, attend impatiemment le téléchargement…

L'analyse comportementale de surf : bon sens et respect des standards pour éviter de perdre ses visiteurs

Comme vous pouvez le constater, l'analyse du comportement de surf sur Internet est une matière relativement complexe, jeune et en perpétuelle évolution au gré des évolutions techniques mais également du degré "d'ancienneté" en ligne des internautes.

Pour cette raison, en plus de l'utilisation de certaines des techniques citées plus haut, je vous conseille également de respecter au maximum les "standards" appliqués par les plus grands sites d'eCommerce.

Le respect de ces standards, même s'il ne permet pas de résoudre tous les problèmes ni de prévoir toutes les réactions d'un internaute face à votre homepage par exemple, permet néanmoins déjà à votre visiteur de se retrouver, sur votre page, dans un environnement "connu" qu'il n'aura pas à réapprendre. Cette recherche des standards est d'ailleurs au coeur de notre étude sur les homepages.

Nous pouvons faire ici un rapprochement avec l'intérieur d'une voiture.

En effet, quel que soit le modèle ou la marque, un certain nombre de standards s'y retrouvent : emplacement du levier de vitesse, de la clé de contact, du frein à main… le conducteur, moyennant une petite adaptation retrouvera rapidement ses "repères" habituels et en quelques minutes sera capable de conduire n'importe quel modèle de voiture.

Construire une homepage ou une page intérieure en reprenant les standards de fait du Web d'aujourd'hui constitue, à notre sens, une chance supplémentaire pour réussir sur Internet.

N'oubliez pas non plus que même si vous réussissez à attirer l'oeil d'un internaute sur telle ou telle partie de votre page, cela ne signifie pas pour autant que la partie est gagnée.

En effet, même si l'oeil, "voit" la zone vers laquelle on l'aura attiré, il n'est pas sûr qu'il la "lise" ensuite, d'autres facteurs entrant alors en jeu...

Ce challenge permanent représente bien tout le côté passionnant de l'eShopability : pour réussir à transformer un visiteur en acheteur, il faut non seulement savoir attirer l'oeil d'un internaute sur la partie importante de la page mais aussi obtenir qu'il vous accorde ensuite une attention suffisante pour que le message commercial qui s'y trouve soit lu, compris puis enfin accepté en tant qu'élément digne d'intérêt. L'acte d'achat éventuel n'interviendra qu'après.